Sanction disciplinaire infligée par une fédération sportive

Décision de justice
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Nature du recours et degré de contrôle par le juge administratif.

Sanction disciplinaire infligée par une fédération sportive – nature du recours : recours pour excès de pouvoir – degré de contrôle par le juge administratif : contrôle normal.

> CAA Nancy, 31 janvier 2017, Fédération française de football, n° 15NC02188.

La commission régionale de discipline de la ligue de Lorraine de football a infligé une suspension de toutes fonctions officielles pour une durée de cinq ans à un éducateur sportif pour ne pas avoir dénoncé des pratiques frauduleuses relatives à l’obtention de licences au sein de son club.

La première question à laquelle la cour a eu à répondre concerne la nature du recours :

Depuis la décision Société Atom (CE, 16 février 2009, n° 274000, A), le Conseil d'Etat considère que lorsqu’un juge est saisi d'une contestation portant sur une sanction que l'administration inflige à un administré, il se prononce comme juge de plein contentieux. Il lui appartient en conséquence de prendre une décision qui se substitue à celle de l'administration.

Cette jurisprudence ne joue toutefois qu’à l’encontre des sanctions administratives, c'est-à-dire des sanctions non disciplinaires infligées aux tiers n’entretenant pas de lien particulier avec l’administration. Or, les sanctions infligées par les fédérations sportives sont des sanctions infligées aux détenteurs de licences sportives, lesquels appartiennent à un groupe identifiable dont le comportement est encadré par des règles de conduite particulières. La cour a donc estimé que ces sanctions ont le caractère de sanctions disciplinaires et non pas administratives et que leur contestation relève du juge de l’excès de pouvoir qui ne se prononcera que sur la légalité de ces sanctions.

La décision de la cour sur ce point s’inscrit  dans la ligne de ce que le Conseil d'Etat a jugé à propos de la contestation des sanctions prises en cas de faits constatés de dopage (CE, 2 mars 2010, Fédération Française d’Athlétisme,
n° 324439 - B).

 

La seconde question à laquelle la cour a eu à répondre est relative au degré de contrôle que doit exercer le juge administratif :

Traditionnellement le juge administratif exerce un contrôle restreint sur les sanctions infligées par une fédération sportive
(voir par ex. CE, 28 novembre 2007, Fédération française de judo, kendo, jujitsu et disciplines associées, n° 294916 – A).

Toutefois, par l’arrêt 2 mars 2010, Fédération Française d’Athlétisme,
n° 324439 précité, le Conseil d'Etat a estimé que le juge administratif procédait à un contrôle normal des sanctions prononcées par une fédération sportive pour faits de dopage. Selon Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public dans cette affaire, cette solution particulière se justifie par la spécificité de l’exercice par les fédérations de leur pouvoir de sanction qui, en matière de dopage, dépasse le cadre de leur pouvoir disciplinaire ordinaire.

La cour a cependant estimé qu’il n’y avait plus de raisons de limiter le contrôle normal aux seules sanctions pour faits de dopage et qu’il convenait d’en faire application aux autres sanctions disciplinaires des fédérations sportives. Elle a considéré que cette extension s’inscrivait dans la mouvance de la jurisprudence du Conseil d'Etat qui tend à généraliser le contrôle de proportionnalité des sanctions.

La Haute Assemblée procède en effet au contrôle normal des sanctions infligées :
- aux professionnels (CE, Sect., 22 juin 2007, M. A., n° 272650),
- aux magistrats de l’ordre judiciaire (CE, 27 mai 2009, M. H., n° 310493),
- à un maire (CE, 2 mars 2010, M. D., n° 328843),
- à un pilote d’avion (CE, 28 févr. 1997, M. M., n° 172280),
- aux agents publics (CE, Ass., 13 novembre 2013, M. D., n° 347704),
- aux détenus (CE, 1er juin 2015, M. B., n° 380449)
- ou aux élèves d’écoles publiques (CE, 27 novembre 1996, Ligue islamique du Nord, n° 170207).

La position prise par la cour administrative d’appel de Nancy rejoint celle de plusieurs autres cours :
- CAA Bordeaux, 15 novembre 2016, M. C., n° 15BX01018 ;
- CAA Bordeaux, 23 février 2016, Fédération française d’études et de sports sous marins, n° 14BX01059 ;
- CAA Versailles, 22 septembre 2016, Mme S., n° 14VE02476

 

Les conclusions de M. LAUBRIAT, Rapporteur public ont été publiées dans le n° 14 de la Lettre de la cour administrative d'appel de Nancy, p. 20.